Les différents saints autour de saint Corcodome d'Auxerre
Je partagerai ici le fruit de mes recherches sur saint Corcodome, en particulier ceux qui entourent les saints qui l’ont connu. Certaines choses n’ont pas retenu mon attention, car trop tard et "légendaire", mais il est toujours bon de s’y intéresser pour la culture.
Saint Pèlerin d'Auxerre :
au calendrier des Petits Bollandistes au 16 mai
Dès les premiers siècles de l’Eglise, l’Evangile avait été annoncé dans l’Auxerrois et dans le Donziais, qui formait la majeure partie de l’ancien diocèse d’Auxerre. Leboeuf prétend que saint Savinien, apôtre du Sénonais, avait étendu son zèle apostolique jusque dans le Nivernais, en y députant des missionnaires ; les deux diacres Séronitus et OEoaldus seraient venus y prêcher, et saint Austremoine se serait arrêté à Nevers avant d’aller se fixer à Clermont. Malgré les persécutions, la foi se propageait donc en secret, et bientôt les chrétiens de l’Auxerrois firent parvenir jusqu’à Rome leurs vœux ardents pour avoir au milieu d’eux un évêque et des prêtres. Saint Sixte II occupait alors la chaire de saint Pierre ; il ne put se refuser aux désirs trop légitimes des peuples de l’Auxerrois, et il jeta les yeux sur Pèlerin (ou Pérégrin), compagnon de saint Laurent de Rome, pour remplir cette importante mission. Après lui avoir imposé les mains, il lui ordonna de partir pour les Gaules. Le cardinal Baronius fait remarquer qu’il fut un des quatre que consacra ce saint pontife, au mois de décembre, selon l’usage adopté dans l’Eglise.
Ce fut vers l’an 258 ou 259 que Pèlerin se mit en route, ayant pour compagnon saint Marse, prêtre ; saint Corcodome, diacre ; saint Jovinien et saint Alexandre, sous-diacre, et un autre saint Jovinien, lecteur. Ils débarquèrent à Marseille, puis se rendirent à Lyon, laissant partout sur leur passage des marques non équivoques de leur zèle et de leur sainteté. De là, il pénétrèrent jusque sur les rives de l’Yonne, c’est-à-dire dans le pays de Gaule, où l'idolâtrie avait jeté de plus profondes racines. L’Yonne, source de l’abondance et de la prospérité du pays, était adorée comme une déesse, sous le nom d’Ieauna, et on lui avait dressé des autels ; Apollon, Jupiter, Mercure, toutes les divinités romaines et celles de l’Orient, recevait l’encens que leur offraient nos aïeux. Tel était le champ que la Providence avait réservé au zèle de Pèlerin et de ses disciples. Dieu bénit leurs premiers efforts. L’éloquence, la sainteté et les miracles de saint Pèlerin convertirent les principaux habitants d’Auxerre ; bientôt il put construire une petite église sur les bords de l’Yonne, à la source de quelques fontaines, et il eut le bonheur de procurer à un grand nombre des habitants de ce pays la grâce du baptême. La croix de Jésus-Christ ne tarda pas à briller sur les collines voisines, lieux auparavant consacrés aux pratiques superstitieuses.
Ce ne fut point assez pour notre saint Apôtre d’avoir établi dans Auxerre le règne de Jésus-Christ. Son zèle avait besoin de s’étendre. Il savait que l’esprit d’erreur continuait à répandre les ténèbres sur le reste de la contrée. Il y avait, à dix lieues d’Auxerre, un pays montagneux, couvert de bois qui environnaient les lacs formés par les vallées ; la position de ce pays favorisait le culte des païens ; c’était la Puisaye, dont une partie forma le Donziais. Entrains (Interanum) était la capitale de ce pays, ville puissante, au milieu de laquelle s’élevait le palais du préfet romain qui ne craignait pas de prendre le titre de césar. Elle renfermait plusieurs temples dans ses murs, et, à l’exemple de Rome, elle avait admis les divinités grecques et romaines, auxquelles elle avait associé les monstrueuses idoles d’Orient. Un grand nombre de routes venaient aboutir à cette ville des différents points des pays voisins. Ce fut là que saint Pèlerin dirigea ses pas.
Un Aulerque venait d’élever un nouveau temple en l’honneur de Jupiter hospitalier ; il n’avait rien négligé dans la construction de ce temple, et la richesse des décors égalait la beauté de l’architecture. On accourait de toutes part pour le visiter, Pèlerin crut que la circonstance était favorable, et qu’il devait en profiter pour déployer tout son zèle ; il s’avança donc avec courage au milieu de ce peuple, et entreprit de le détourner de ses erreurs. Mais à peine eut-il commencé à parler, qu’on se jeta sur lui avec fureur pour le conduire devant le juge, qui le fit provisoirement mettre en prison.
Le lieu où il fut renfermé était un souterrain proche de Boüy, à sept kilomètres d’Entrains ; il y resta enchaîné jusqu’au moment où on l’en retira, pour le faire paraître devant le préfet romain. La prison ne put ralentir son zèle ; il semble dire, avec l’apôtre Paul, qu’on peut bien jeter dans les fers un disciple du Christ, mais qu’il n’est point de force humaine qui puisse enchaîner la parole de Dieu ; il prêchait le vrai Dieu à ses geôliers et à tous ceux qui l’approchaient. Quand on l’eut conduit en présence du préfet, il ne parut aucunement épouvanté par ses menaces, comme il ne se laissa pas gagner par ses promesses. La tradition nous a conservé les belles paroles qu’il prononça devant le tribunal : “Vos honneurs sont la perte de l’âme, et les dons que vous pouvez faire sont de continuels supplices. Pour moi, j’invoque Jésus-Christ qui est le rédempteur de tous ; je le confesserai sans crainte jusqu’à la mort ; je sais que les promesses de ce grand roi ne sont point mensongères ; je mets en lui toute ma confiance.”
Le juge, irrité, ordonna à ses soldats de le livrer entre les mains des bourreaux, et aussitôt les soldats l’entraînèrent en le chargeant de coups. Épuisé par les mauvais traitements et par les rigueurs auxquelles il avait été auparavant soumis dans la prison, notre saint était sur le point de succomber, quand un des soldats, voyant que les forces allaient l’abandonner, lui trancha la tête de son épée. Son martyr eut lieu le 16 mai 303 ou 304, sous la grande persécution de Dioclétien.
Après le martyr de saint Pèlerin, quelques chrétiens inhumèrent avec respect ses restes précieux à Boüy, lieu de son supplice. Son corps y reposait encore au temps de saint Germain, et bientôt en éleva une église sur son tombeau; Plus tard, le corps du saint apôtre de l’Auxerrois fut transporté à Saint-Denis, proche de Paris, et il ne resta à Boüy que sa tête et ses vertèbres. On dit que ce fut le roi Dagobert Ier qui obtint pour le monastère de Saint-Denis le corps du saint évêque d’Auxerre, et qui l’y fit transporté. En 1144, lorsque l’abbé Suger fit construire la partie de l’église de Saint-Denis qui regarde l’Orient, un des autels fut mis sous l’invocation de saint Pèlerin.
Cette histoire viens de la légende dorée (XIIe siècle), elle est bien plus tardive que la Vita Secunda de Saint Germain d'Auxerre par Constance de Lyon écrite en 480, soit seulement 32 ans après la mort de saint Germain. J’ai donc préféré m’appuyer sur les écrits de Constance de Lyon pour travailler sur l’acathiste et la vie de saint Corcodome. Mais je vous présente quand même cette version qui n'est pas sans attrait spirituel.
Saint Mamertin, qui fut d'abord païen, adorant une fois les idoles, perdit un oeil et une de ses mains se sécha. Il crut avoir offensé les dieux, et alla au temple adorer les idoles, quand il rencontra un religieux nommé Savin qui lui demanda comment une si grande infirmité lui était survenue. Mamertin répondit : « J'ai offensé mes dieux, aussi vais-je les prier de me rendre dans leur bonté ce qu'ils m’ont ravi dans leur colère. » Savin lui dit : « Tu te trompes, mon frère, tu te trompes, si tu prends des démons pour des dieux. Va plutôt trouver saint Germain, évêque d'Auxerre, et si tu acquiesces à ses conseils, tu seras guéri incontinent. » Mamertin se mit en route aussitôt et arriva au tombeau de saint Amateur, évêque et de plusieurs autres saints évêques. La pluie le força de se retirer la nuit dans une cellule sur la tombe de saint Corcodome. Après s'être endormi, il eut une vision fort extraordinaire. Il vit venir à la porte de la cellule un homme qui appela saint Corcodome et l’invita à une fête que célébraient saint Pèlerin et saint Amateur avec d'autres évêques. Saint Corcodome lui répondit du fond de son tombeau : « Je ne puis y aller maintenant, car j'ai un hôte qu'il me faut garder de peur qu'il ne soit tué par les serpents qui habitent ici. » L'homme s'en alla rapporter la réponse qu'il avait entendue, puis il revint dire : « Saint Corcodome, levez-vous, venez, et amenez avec vous le sous-diacre Jovinien et l’acolyte Jovinien afin qu'ils exercent leur ordre. Alexandre gardera votre hôte. » Et il sembla à Mamertin que saint Corcodome, après lui avoir pris la main, le conduisait avec lui, et que quand il fut arrivé à l’endroit où se trouvaient les évêques, saint Amateur lui dit: « Quel est l’homme qui est entré avec vous ? » « C'est mon hôte », répondit saint Corcodome. Et saint Amateur dit : « Chassez-le car il est impur, et il ne peut être avec nous. » Comme on chassait Mamertin, il se prosterna devant les évêques et réclama la protection de saint Amateur. Celui-ci lui ordonna d'aller aussitôt chez saint Germain. Mamertin, à son réveil, vint trouver saint Germain, se prosterna à ses pieds et lui demanda pardon. Après avoir raconté ce qui lui était arrivé, ils allèrent tous deux au tombeau de saint Corcodome et quand ils eurent écarté la pierre, ils virent plusieurs serpents de plus de dix pieds de long, qui s'échappèrent tous. Alors saint Germain leur commanda d'aller dans tel lieu où ils se gardassent à l’avenir de nuire à personne. Ce fut alors que Mamertin fut baptisé et justifié. Il se fit moine au monastère de saint Germain dont il fut abbé après saint Allodius.
Il y avait alors, dans ce monastère, un saint moine nommé Marin, dont Mamertin voulut éprouver l’obéissance. Il lui confia donc la tâche la plus vile du monastère, qui consistait à paître les bœufs. Et saint Marin, pendant qu’il gardait ses bœufs et ses vaches dans le bois, rayonnait d’une telle sainteté, que tous les oiseaux du bois accouraient à lui pour qu’il les nourrît de sa main. Un sanglier s’étant réfugié dans sa cellule, il le sauva des chiens qui le poursuivaient, et lui permit de s’en aller librement. Un jour, des voleurs le dépouillèrent de ses vêtements, ne lui laissant qu’une petite tunique. Et le voici qui court derrière eux, et qui leur crie : « Revenez, Messieurs, car j’ai encore trouvé ce dernier dans la doublure de ma tunique ! Et peut-être en aurez-vous besoin ! » Aussitôt les voleurs, retournant sur leurs pas, lui enlevèrent la tunique avec le denier et le laissèrent complètement nu. Après quoi ils reprirent le chemin de leur caverne ; mais ils marchèrent toute la nuit, et, à l’aube, ils se retrouvèrent devant la cellule du saint berger. Celui-ci, les ayant salués tendrement, les reçut dans sa cellule, leur lava les pieds, et s’occupa de leur préparer à manger. Ce que voyant, les voleurs, stupéfaits, eurent honte de leur conduite et se convertirent tous à la foi.
Un jour, un jeune moine du monastère de saint Mamertin s’était amusé à tendre un piège à un ours qui attaquait les brebis ; et l’ours, la nuit, s’était laissé prendre. Mais saint Mamertin, ayant deviné la chose du fond de son lit, se leva, alla trouver l’ours, et lui dit : « Que fais-tu là, malheureux ? Va-t’en bien vite pour n’être pas pris ! » Et il le délivra et le laissa partir.
Lorsqu’il mourut, on porta son corps à Auxerre. Mais, comme on passait près d’une prison, le corps devint tout à coup si lourd qu’on ne put le faire avancer, jusqu’au moment où un des prisonniers, dont les chaînes s’étaient rompues miraculeusement, accourut et aida à porter le corps jusqu’à la ville. Saint Mamertin fut enterré en grande pompe dans l’église de Saint-Germain.
Saint Marcellin succéda à saint Pèlerin, et put être élu évêque d’Auxerre dès le temps de l’emprisonnement de celui-ci. Si cet emprisonnement a été de longue durée, comme cela est probable, on peut concilier le grand nombre d’années que donnent à l’épiscopat de saint Marcellin les chronologistes du IXe siècle; sans cela, remarque l’abbé Lebeuf, on serait obligé de déranger la chronologie des évêques d’Auxerre jusqu’au delà de saint Germain, ce qu’il n’est pas possible d’admettre.
Saint Marcellin était gaulois de nation et l’un des habitants des pays convertis par le zèle de Pélerin. Il vit mourir les dignes collaborateurs de saint Pélerin, saint Marse, saint Corcodome, saint Alexandre et les deux saint Jovinien, qui furent tous inhumés au Mont-Artre (Mons-Autricus), vaste cimetière situé au sud-ouest d’Auxerre, où fut élevée plus tard l’église de Saint-Amatre. Il y reçut lui-même la sépulture le 13 mai, vers 330, jour où son nom est inséré dans les divers martyrologes.
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